Émotions et mémoire cellulaire : quand le corps garde les traces du passé

La magie des fascias

Depuis mes premières années de pratique, j’ai été frappée par la manière dont le corps enregistre les expériences vécues, bien au-delà du conscient. J’ai rencontré des patients qui portaient des douleurs persistantes, inexplicables médicalement, et qui disparaissaient soudainement après avoir mis des mots sur une émotion enfouie. Il m'est arrivé de poser les mains sur une zone et de manière inexpliquée la personne fondait en larme sans comprendre pourquoi.

Cela m’a amenée à explorer la mémoire cellulaire, cette capacité qu’a notre corps à stocker des émotions, des traumas et des schémas passés. Le corps, une mémoire vivante

On pense souvent que notre mémoire est uniquement cérébrale. Pourtant, notre corps est une bibliothèque silencieuse qui archive nos émotions, nos tensions, nos peurs. Un événement marquant, un choc émotionnel, une période de stress intense… Tout cela laisse une empreinte, même si nous n’en avons plus un souvenir conscient.

C’est ainsi que des douleurs inexpliquées, des crispations musculaires ou des déséquilibres posturaux peuvent en réalité être le reflet d’anciens événements non digérés.

Je me souviens d’une patiente qui venait pour des douleurs récurrentes au niveau du diaphragme, comme une oppression permanente. En travaillant avec elle, nous avons mis en lumière une peur profondément ancrée, liée à une expérience d’étouffement vécue dans l’enfance. En relâchant les tensions à travers le souffle et en mettant des mots sur cette mémoire, l’oppression s’est peu à peu dissipée. Comment les émotions s’impriment dans le corps ?

Le lien entre corps et émotions n’est plus à prouver. On sait que le système nerveux est directement impliqué dans le stockage des expériences passées. Lorsque nous vivons une émotion intense, notre corps déclenche une réponse biologique : augmentation du rythme cardiaque, contraction musculaire, sécrétion d’hormones comme le cortisol ou l’adrénaline.

Mais que se passe-t-il si cette émotion n’est pas exprimée ? Si nous n’avons pas l’espace ou la possibilité de la vivre pleinement ? Elle ne disparaît pas pour autant. Au contraire, elle se fige dans nos tissus, s’imprimant dans nos muscles, nos fascias, nos organes.

Quelques exemples courants :

• Une peur intense qui se loge dans le ventre, perturbant la digestion.

• Un sentiment d’oppression qui se manifeste par une respiration courte et une sensation d’étouffement.

• Une colère refoulée qui crée des tensions dans les trapèzes et les mâchoires.

Un chagrin qui alourdit la poitrine et limite l’expansion du souffle.

L’influence du passé sur notre posture et notre santé

Notre posture raconte notre histoire. Une personne qui a souvent dû se protéger émotionnellement peut inconsciemment arrondir les épaules, comme pour créer une carapace. Quelqu’un qui a vécu beaucoup de pression dans sa vie peut avoir un diaphragme crispé, une sensation de « poids » sur les épaules.

J’ai souvent observé que certains schémas posturaux sont directement liés à des expériences de vie.

J’ai reçu un jour un patient qui souffrait de douleurs chroniques dans le bas du dos. En échangeant avec lui, il a évoqué un sentiment de manque de soutien dans sa vie personnelle. C’était fascinant de voir comment son corps traduisait cette émotion par des tensions précisément dans cette zone, qui symboliquement représente le soutien, l’ancrage, la sécurité.

Quand nous ne prenons pas conscience de ces mémoires corporelles, elles continuent de se manifester sous forme de douleurs, de blocages, voire de maladies. Comment libérer ces mémoires corporelles ?

La bonne nouvelle, c’est que ces empreintes ne sont pas définitives. Le corps a une incroyable capacité d’adaptation et de libération, à condition de lui en laisser l’espace.

Quelques approches efficaces :

• L’ostéopathie somato-émotionnelle : En travaillant sur le corps, on peut réveiller des souvenirs, libérer des tensions et favoriser une prise de conscience émotionnelle.

• La respiration profonde et consciente : Respirer pleinement permet de relâcher les tensions cristallisées et d’apaiser le système nerveux.

• Le mouvement (danse intuitive, yoga, qi gong, etc.) : Bouger permet d’assouplir le corps et de laisser partir ce qui a été figé.

• L’expression verbale et écrite : Mettre des mots sur ses ressentis aide à digérer les émotions et à libérer ce qui était bloqué.
  

Un rituel pour écouter et libérer les tensions corporelles

Lorsque vous ressentez une tension dans votre corps, commencez par vous installer dans un endroit calme et respirer profondément.

Prenez un instant pour identifier cette douleur :

• Quelle est sa forme ?

• Est-elle froide, chaude ?

• Tire-t-elle ? Pulse-t-elle ? Irradie-t-elle quelque part ?

Ajoutez-y des sensations plus subtiles :

• Si cette douleur était un son, serait-ce un son aigu ou grave ?

• Une odeur ? Une couleur ?

Une fois que vous avez posé un maximum d’images sur cette douleur, demandez-vous intérieurement :

• Depuis quand est-elle présente ?

• Quand l’ai-je ressentie pour la première fois ?

• Dans quel contexte ?

• Quelle émotion était liée à ce moment ?

Laissez venir les images, les souvenirs, les ressentis. Ne forcez rien, observez simplement ce qui émerge.

Petit à petit, essayez de poser des mots sur cette douleur. Peut-être même un événement précis surgira.

Ce rituel, pratiqué régulièrement, permet non seulement d’écouter ce que le corps cherche à exprimer, mais aussi de libérer progressivement les tensions ancrées. Car le corps ne ment jamais : il raconte notre histoire, et il attend simplement d’être entendu.